La réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC)

Explication
Depuis un peu plus de trois ans, les équipes médicales et paramédicales de la Polyclinique Bordeaux Rive Droite se sont beaucoup investies pour faire partie des acteurs du développement de la Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie (RAAC). Les chirurgies digestives et orthopédiques (Prothèses de hanche et du genou) ont été, dans notre établissement, les pionnières. La chirurgie orthopédique prothétique a obtenu, début 2016, le label GRACE validant ainsi, le protocole de soins et offrant aux équipes soignantes une reconnaissance des efforts accomplis. Cette stratégie s’est ensuite étendue aux chirurgies gynécologiques, urologiques et à la césarienne. Le terme Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie, lequel s’est substitué à celui de « Fast-Track » permet de mieux préciser que la réduction de la durée de séjour n’est pas l’obsession de ce concept. Son but est l’optimisation de tous les soins apportés au patient au sein d’un parcours cohérent. Cette cohérence du parcours de soins est indispensable pour valoriser les efforts de chacun et ainsi offrir au patient une récupération plus rapide laquelle, seule, permettra une réduction de la durée de séjour et ainsi une réduction de la morbidité liée à une prolongation inutile de l’hospitalisation.
L’optimisation des soins, qui n’est rien d’autre que prodiguer au patient des traitements fondés sur les meilleures données de la science, doit s’appliquer sans restriction à l’ensemble des patients. La prise en charge anesthésique transversale repose sur un socle commun à l’ensemble des chirurgies mais aussi sur certaines spécificités qui seront détaillées dans les prochaines pages.
Ce socle a pour buts, l’amélioration du confort du patient, la facilitation de la réalimentation et la déambulation précoce. Il repose sur le jeûne moderne, la prévention active des nausées et vomissements (NVPO) et de la douleur post-opératoires (DPO). Ce jeûne moderne, qui réduit le risque d’iléus post-opératoire, autorise la prise d’alimentation solide jusqu’à six heures avant l’induction anesthésique et la prise de liquides sucrés jusqu’à deux heures. La prévention active des NVPO débute avant l’induction anesthésique. La prise en charge de la DPO repose quant à elle sur une analgésie multimodale qui associe un ensemble de molécules (allant jusqu’à 7 parfois) permettant un meilleur contrôle de la douleur aiguë, une réduction de la consommation de morphine dont les effets adverses sont nombreux, mais aussi une prévention du risque de douleur chronique.
L’optimisation du parcours du patient va permettre de valoriser les soins médicaux et paramédicaux. La réalimentation et le premier lever, assurés par un kinésithérapeute, sont réalisés au plus tôt et le plus souvent dans les heures qui suivent la chirurgie. La voie veineuse périphérique est enlevée, en l’absence de complications, dès que la réalimentation est suffisante. L’éventuelle sonde urinaire est ôtée le plus rapidement possible, le risque de globe vésical étant nettement moins important grâce à l’épargne morphinique. Le respect de ces étapes requiert une grande disponibilité des équipes soignantes et est primordial pour ne pas ralentir la progression du patient. Cela nécessite non seulement une anticipation du parcours du patient et donc l’écriture de protocoles ou chemins cliniques mais aussi d’obtenir l’adhésion du patient et ainsi le rendre acteur de sa prise en charge. Cette adhésion est recherchée en renforçant notamment l’information qui lui est donnée avant l’intervention avec, entre autres, la remise de brochures explicatives sur la RAAC, la visite du service en orthopédie.
Tous ces efforts permettent, en améliorant le confort des patients, une réduction des durées de séjour et donc de la morbidité liée à l’hospitalisation (MTEV, infections liées aux soins) sans augmenter le taux de complications post-opératoires.
Dr Jean-Baptiste DOLBEAU
Anesthésiste
L’Opioid free anesthEsia (OFA)
La prise en charge de la douleur dans les chirurgies à risque modéré ou élevé de douleur s’est vue améliorée par l’avènement de la péridurale. Celle-ci permet de limiter efficacement la transmission du stimulus douloureux pendant et après la chirurgie, de réduire la consommation totale d’opiacés et même d’avoir un impact positif sur la reprise du transit en limitant l’iléus post-opératoire (IPO). Elle est ainsi devenue le gold standard de la prise en charge de la douleur en chirurgie digestive et urologique lourde. Cependant elle reste une technique lourde, grevée d’une morbidité non négligeable et limitant la reprise d’autonomie du patient en post-opératoire. Nous avons donc reconsidéré son utilisation à la lecture des dernières données médicales :
L’utilisation de Lidocaïne par voie parentérale, débutée à l’induction anesthésique et pendant au moins la durée de l’intervention a montré, en chirurgie coelioscopique notamment colorectale, un contrôle de la douleur et une réduction de l’iléus post-opératoire comparables à l’utilisation de la péridurale. Cet intérêt semble se confirmer dans de nombreuses chirurgies dont les néphrectomies réalisées par lombotomie.
L’OFA va plus loin en excluant de l’arsenal anesthésique les opiacés pendant l’intervention, qui, en bloquant le stimulus douloureux chirurgical, limitent les effets notamment hémodynamiques de celui-ci, mais entraînent de façon dose-dépendante des phénomènes de sensibilisation à la douleur qui vont faire le lit de l’hyperalgésie, de l’allodynie, d’une consommation accrue de morphine et de l’iléus post-opératoire. L’OFA repose dans notre protocole sur trois molécules : La Lidocaïne pour ses propriétés antihyperlagésiques et protectrice de l’IPO, la kétamine pour ses propriétés antihyperlagésiques et la Clonidine pour contrôler les effets hémodynamiques de la douleur. Cette technique semble particulièrement intéressante pour les chirurgies douloureuses à risque d’IPO (chirurgie colorectale et cystectomie avec geste sur le tube digestif).
Au vu des résultats obtenus avec ces deux techniques, la pose d’une péridurale pour le contrôle de la douleur est devenue dans notre établissement très rare.
Dr DOLBEAU Jean-Baptiste
Anesthésiste